Interview Robin Ogiez : "Ma pire expérience avec un patient"

Interview Robin Ogiez : "Ma pire expérience avec un patient"

Dans le monde de la santé, les professionnels sont souvent confrontés à des défis qui dépassent les enjeux purement médicaux ou thérapeutiques. La relation entre le soignant et le patient est au cœur de la pratique quotidienne, et elle peut parfois se révéler complexe et chargée d'émotions. Voici le récit de Robin Ogiez, kinésithérapeute depuis 2019, diplômé de l’école de Nancy, et créateur de contenus sous le pseudonyme de Stoudeo, qui illustre parfaitement cette réalité.

Peux-tu nous partager ta pire expérience avec un patient ?

Ma pire expérience avec un patient s'est déroulée en février 2023. C'était une patiente d’une autre nationalité, assez âgée, qui venait pour une prothèse de genoux. Elle avait des attentes spécifiques concernant les horaires et le type de séances, préférant des séances passives, alors que les recommandations actuelles pour les prothèses de genou mettent l'accent sur l'importance des activités actives comme la quantification du stress mécanique et du renforcement pour essayer de protéger l'articulation.

J'ai commencé à la prendre en charge en février, et dès le début, elle était tres négociatrice. Elle voulait absolument trois séances par semaine. J'ai réussi à l'amener vers une combinaison de séances passives et actives, mais elle a continué à négocier constamment pour des ajouts tels que des massages du dos, tout en insistant pour répéter les exercices qu'elle préférait. Cette dynamique a créé une routine psychologiquement compliquée qui n'était pas très productive, et souvent, elle revenait sur les mêmes demandes à chaque séance.

Au fil des séances, il est devenu évident que nous n'avancions plus dans le traitement de la patiente. J'avais l'intention de lui suggérer de consulter un autre praticien, car je sentais que je ne pouvais plus la mener vers une amélioration significative. Mais je n'ai pas eu le courage de lui dire en espérant plutôt qu'une occasion se présenterait pour aborder le sujet.

La patiente avait tendance à poser pas mal de lapin mais prévenait toujours. Lorsque nous avons atteint la limite des séances prescrites par son ordonnance, je lui ai expliqué que sans une nouvelle ordonnance, je ne pourrais plus continuer à la prendre en charge. Elle a promis de rapporter une ordonnance mise à jour, mais à chaque fois, elle oubliait. J'ai donc averti que si cela se reproduisait, nous devrions mettre fin à nos séances.
Malheureusement, elle a manqué les séances suivantes sans fournir d'excuse ni rapporter l'ordonnance promise. Le vendredi, alors que j'avais programmé un autre patient à son horaire habituel, elle est arrivée avec son ordonnance. Nous avons eu une discussion où j'ai abordé la notion de respect et l'importance de sa présence aux séances. Je lui ai clairement dit que si elle manquait encore une séance, ce serait terminé.

Mais la situation s'est compliquée lorsque j'ai annoncé mes vacances. Elle a exigé que je les reporte, arguant qu'un professionnel de santé devrait avant tout répondre aux besoins de ses patients. Je n'ai pas cédé à cette demande. Peu après, les séances sont devenues encore plus chaotiques avec elle manquant souvent des rendez-vous mais prévenant à la dernière minute.

La semaine suivante, alors que nous étions déjà vendredi, je n'avais plus que deux créneaux disponibles. Cette patiente était particulièrement pointilleuse sur les horaires, ce qui rendait la planification difficile. Lorsque je lui proposais lundi à 17h, seul créneau disponible, elle insistait pour un autre horaire, suggérant 14h puis 15h, malgré ma réitération que seul 17h était possible.

Face à cette difficulté, j'ai fini par lui redonner son ordonnance avec les horaires écrits sur un post-it, lui demandant si cela lui convenait. Elle a conservé le post-it mais a exprimé que les horaires ne lui convenaient pas. Avant de quitter la salle d'attente, j'ai cherché à clarifier la situation en lui demandant si elle comptait venir la semaine suivante ou si nous devions arrêter là. Elle s'est simplement levée, sans dire un mot. J'ai interprété son départ silencieux comme un signe qu'elle ne souhaitait plus poursuivre les séances. J'ai alors conclu: "Bon, si vous partez, ça veut dire qu'on arrête." Son silence continu a confirmé cette décision, marquant ainsi la fin de notre relation thérapeutique.

Le moment fatidique est survenu il y a trois mois. Un lundi, elle s'est présentée à un horaire que je lui avais proposé auparavant et qu'elle avait refusé. À ce moment-là, le créneau avait déjà été attribué à un autre patient. Je lui ai donc expliqué qu'il ne serait pas possible de la prendre en charge, lui rappelant qu'elle avait indiqué ne plus vouloir revenir. Cependant, elle a sorti le post-it sur lequel étaient notés les horaires et a insisté sur le fait qu'il était écrit qu'elle devait venir. S'en est suivi une discussion répétitive, durant laquelle j'ai tenté de lui clarifier la situation sans succès.

Elle a commencé à s'énerver et à menacer de contacter la sécurité sociale et la mutuelle, entre autres, bien que je n'aie rien fait de répréhensible. Voyant que mes explications n'avaient aucun effet et qu'elle ne semblait pas affectée par mes réponses, j'ai décidé de mettre fin à la conversation. Je lui ai rendu son ordonnance en lui disant de faire ce qu'elle voulait et je lui ai souhaité au revoir.

Alors que je partais pour m'occuper d'autres patients, elle s'est levée et a commencé à m'insulter bruyamment, en continuant même dans la rue après avoir quitté le cabinet. Cet épisode a été très perturbant pour moi et reste à ce jour l'expérience la plus difficile que j'ai eu à gérer depuis que je suis diplômé.

As tu des conseils pour tes confrères qui pourraient faire face à ce genre de situation ?

Pour gérer les patients difficiles qui drainent mon énergie, j'adopte plusieurs stratégies pour relâcher la pression. D'abord, en discutant avec mes collègues, j'obtiens du soutien et je minimise l'impact des situations stressantes. Parler de ces expériences me permet de les mettre en perspective et de les relativiser.

En dehors du travail, je transforme parfois ces situations en anecdotes légères avec ma famille et je pratique des activités physiques comme la course à pied et le tennis, ce qui aide à gérer le stress.

Après des incidents sérieux, je consulte des experts sur les réseaux sociaux pour comprendre les démarches juridiques appropriées, comme déposer une plainte si nécessaire. Il est également important de signaler les incidents à l'ordre professionnel, ce qui aide à présenter ma version des faits et à obtenir du soutien de leur part.

Ces approches ne servent pas seulement à gérer les situations difficiles au moment présent, mais elles enrichissent également ma pratique professionnelle et renforcent ma capacité à gérer des cas similaires à l'avenir.

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